Bientôt tous les appareils que vous possédez – et pratiquement tous les objets qui existent – seront connectés à l’Internet. Que ce soit via votre téléphone portable, des dispositifs « vestimentaires » ou des appareils ménagers usuels, nous serons connectés à l’Internet des objets (IoT) par des moyens que nous ne pouvons même pas imaginer encore.
Les thermostat, système d’alarme, détecteur de fumée, sonnette et réfrigérateur de votre domicile sont peut-être déjà « connectés », mais l’évolution commence aussi à se percevoir à l’échelle de nos villes. Grâce à une meilleure gestion de l’énergie, de l’eau, des transports et de la sécurité, les habitants sont plus proches de leur environnement, ce qui porte à rêver à une ville entièrement intégrée, intelligente et durable. Nous assistons aussi à un incroyable bouillonnement d’activités et d’innovations au niveau des usines de production, où le potentiel des systèmes cyber-physiques pour améliorer la productivité et le rendement dans le processus de production est immense.
Comme vous pouvez l’imaginer, dans dix ans, la vie sera matériellement différente de la nôtre en 2016, car le rythme des changements technologiques ne cesse de s’accélérer, en grande partie en raison du prochain boom de l’Internet des objets. Sous un certain angle, l’IoT a l’air d’un terme technique un peu creux. Il désigne tellement d’éléments différents et disparates qu’il est difficile d’en donner une définition concrète. Pour comprendre ce qu’il en est de cette technologie émergente, regardons ce qui est prévu pour en construire l’avenir.
Changement de paradigme dans la technologie
Selon le Cabinet de conseil Gartner, Inc., 6,4 milliards d’objets connectés seront utilisés dans le monde cette année, soit une hausse de 30 % par rapport à l’an dernier. Ce chiffre devrait plus que tripler pour atteindre pratiquement 21 milliards d’ici à 2020.
Plus de la moitié des principaux nouveaux processus et des systèmes opérationnels intégreront certains éléments de l’IoT d’ici à 2020, assure Gartner. L’impact sur la vie des consommateurs et sur les modèles opérationnels des entreprises augmente rapidement car le coût de l’« instrumentation » des objets physiques avec les capteurs et de leur connexion à d’autres objets – dispositifs, systèmes et personnes – continuent de baisser.
Pour Chuck Evanhoe, un futurologue et technologue qui connaît à fond le sujet de l’IoT, la précipitation des dispositifs connectés à l’Internet et entre eux s’explique de la façon suivante : « L’IoT sera un formidable levier pour remonter de meilleures informations dans les environnements des consommateurs et des entreprises. L’IoT aura, à mon avis, un impact dans tous les domaines. Tous les systèmes auxquels nous ne pensons pas dans notre vie quotidienne permettront d’augmenter la productivité des humains, ainsi l’effet ne sera pas cantonné à un seul domaine. »
Si ses applications clinquantes aux technologies grand public font naturellement l’objet d’un grand battage médiatique, les implications de l’IoT vont largement au-delà des simples situations et communications usuelles de la vie quotidienne. Les plus grands atouts des dispositifs en réseau sont la réduction des coûts et l’augmentation de l’efficacité de la production et de la fabrication, offrant non seulement les moyens d’en accroître l’efficacité de gestion, mais de rendre plus intelligent le travail proprement dit.
M. Evanhoe dresse une liste des multiples avantages : « Que ce soit au niveau des « appareils intelligents » ou à celui de l’« usine intelligente », nous aurons de meilleures informations, plus de contrôle et une meilleure compréhension des objets (connus ou inconnus) du quotidien dont nous avons besoin pour fonctionner. J’entends par « inconnus » les objets auxquels la plupart des gens ne pensent pas tant qu’ils ne posent pas de problème, le réseau électrique par exemple. En détectant les objets dans notre monde, les systèmes seront mieux en mesure de continuer à fonctionner sans intervention humaine jusqu’à ce qu’ils nécessitent ou impliquent notre intervention, la maintenance prédictive par exemple. »
Bienvenue dans le monde de l’industrie 4.0
Partout dans le monde, une évolution majeure s’opère dans l’industrie manufacturière classique, marquant l’aube de la fabrication intelligente, que l’on appelle aussi l’industrie 4.0. Chaque jour, avec les technologies basées sur l’IoT, les usines deviennent plus intelligentes, plus sûres et plus respectueuses de l’environnement. L’IoT relie l’usine à une toute nouvelle gamme de solutions de fabrication intelligentes, axées sur la production. Sur les dix années à venir, les améliorations spectaculaires du rendement et de la réduction des coûts devraient générer des milliards en termes de croissance des revenus et de productivité. L’évolution que cela implique est gigantesque.
L’IoT donne aux fabricants la possibilité de suivre des objets, pour savoir comment les consommateurs utilisent certains produits et pour déterminer quelles caractéristiques sont primordiales. Ils peuvent ainsi mieux cerner les ajustements à apporter pour augmenter les taux d’adoption et d’achat. Les entreprises veulent avoir connaissance de ce que font les utilisateurs avec les produits pour en tirer parti et l’IoT leur en donne la possibilité.
Selon une enquête mondiale publiée en début d’année par Gartner, on prévoit que d’ici la fin 2016, 43 % des entreprises auront adopté l’IoT et que les plus grands utilisateurs seront les sociétés dans le secteur du pétrole et du gaz et les industries des services publics et de la fabrication.
L’IoT promet, par exemple, d’apporter à l’industrie automobile des changements que l’on ne peut pas encore prévoir et il influence déjà les constructeurs dans leur mode de fabrication des véhicules et dans les perspectives dans lesquelles ils inscrivent l’avenir de leurs produits.
Comme l’explique Igor Demay, Président de l'ISO/TC 22, Véhicules routiers : « Dans l’industrie automobile, l’IoT a fait son entrée vers le début du XXIe siècle avec les systèmes de navigation, ce qui a radicalement changé la relation entre le conducteur et le véhicule. Nous sommes maintenant dans la seconde phase avec des « dispositifs miroir » comme les téléphones portables ou les appareils de navigation portables – les dispositifs nomades – dont les écrans sont utilisés par les propriétaires ou les conducteurs des voitures en pilotant le véhicule. »
Cette influence va continuer à s’intensifier du fait de la multiplication des voitures connectées en ligne et des demandes des consommateurs qui réclament toujours plus de technologies dans leurs véhicules. La troisième phase, selon M. Demay, sera l’introduction de systèmes très avancés d’assistance au conducteur et de solutions de conduite automatisée. Si les solutions IoT font désormais partie de l’avenir de l’industrie, les défis à venir sont vertigineux car les niveaux de sophistication ne cessent de progresser.
L’enjeu le plus important
Comme toute technologie nouvelle, l’IoT peut déconcerter et faire un peu peur, surtout lorsque les débats tournent autour de la normalisation. Actuellement, le plus gros problème dans le domaine est l’absence de normes cohérentes.
Il n’y a aucune norme pour certaines couches de la technologie IoT, mais d’autres font l’objet de nombreuses normes concurrentes, sans qu’aucune ne soit nettement déterminante. Sans une « méthode de communication commune », les dispositifs ne pourront communiquer qu’avec leurs propres marques, ce qui réduira sérieusement l’intérêt des machines connectées.
Pour comprendre à quel point l’absence de normes uniformes peut compliquer le développement de produits et la croissance de l’industrie, il suffit de prendre en considération les questions de connectivité. Par exemple, si une société qui développe des technologies vestimentaires intelligentes est différente d’une entreprise qui développe une technologie applicable aux bâtiments intelligents, les chances que leurs produits communiquent sont minimes. C’est parce que les différents appareils utilisent souvent des protocoles de communication différents qu’il ne peut y avoir d’interopérabilité et que les clients n’y trouvent pas leur compte directement. Or, si les entreprises en question utilisaient les mêmes normes pour la connectivité, lʼinteropérabilité serait assurée.
Il n’est donc pas étonnant que l’IoT soit un sujet d’actualité dans la communauté de la normalisation. Le comité technique mixte ISO/IEC JTC 1 a créé un groupe de travail sur l’Internet des objets (WG 10) chargé d’élaborer un modèle d’architecture pour l’interopérabilité des systèmes IoT. Bon nombre des normes nécessaires existent probablement, mais leur importance relative, leur déploiement et leur application ne sont pas encore clairs.
Pour éclaircir la situation, l’ISO a établi un Groupe consultatif stratégique (SAG) sur l’industrie 4.0. Son Président, Kai Rannenberg, est convaincu que la clé réside dans la connectivité des réseaux, qui permet à ces objets de collecter et d’échanger des données. « L’IoT ouvre de grandes possibilités et des applications imprévues, mais il peut aussi créer des risques majeurs, par exemple lorsque la collecte de données est excessive, ou lorsque les appareils connectés à l’Internet ne sont pas conçus pour gérer ce défi. »
Pour M. Rannenberg, les normes permettront de mieux exploiter les technologies de l’IoT pour créer des systèmes de fabrication à la commande plus efficaces et réactifs. « Avec la multiplication exponentielle des interfaces, il faut des normes pour éviter les goulots d’étranglement empêchant la mise des produits sur le marché. Les normes ont sans aucun doute un grand rôle à jouer dans la conception de l’architecture de l’industrie 4.0 (la fabrication intelligente) pour coordonner les processus et les flux de travail. »
Pour M. Rannenberg et d’autres experts, le travail du SAG trouvera son aboutissement avec un ensemble de normes garantissant que chaque dispositif connecté à l’Internet sera en mesure de communiquer sans difficulté avec d’autres – quels que soient la puce, le système d’exploitation ou le fabricant de l’appareil.
Collaboration et partage
Plusieurs organisations, dont des groupes d’intérêt et des consortiums de l’industrie, tentent d’établir des normes, mais l’ISO a en ligne de mire des efforts plus collaboratifs. Au début de l’année, l’ISO, l’IEC (Commission électrotechnique internationale) et l’UIT (Union internationale des télécommunications) ont organisé à Berlin, en Allemagne, un atelier conjoint sur les normes applicables à l’IoT. L’événement, piloté par l’ISO/IEC JTC 1, a été accueilli par l’Institut allemand de normalisation (DIN), membre de l’ISO pour le pays. L’objectif était de partager les expériences et de mieux comprendre les activités de normalisation en cours dans le domaine de l’IoT au sein des trois organisations.
Des intervenants de différents secteurs ont fait part de leurs attentes vis-à-vis de l’IoT et de l’impact qu’il pourrait avoir dans leur domaine d’activité. Plusieurs cas d’utilisation ont été présentés concernant des applications comme les réseaux intelligents, la fabrication intelligente, la gestion des chaînes d’approvisionnement et les dispositifs vestimentaires intelligents. Des défis mondiaux tels que la conservation de l’énergie, les villes intelligentes et l’amélioration des soins de santé ont également été examinés à titre d’exemples concrets où l’IoT peut avoir un rôle de vecteur important de transformation. L’atelier a également examiné des questions transversales aux différents domaines d’application de l’IoT, notamment la confidentialité et la sécurité des données et les architectures de référence. L’avancement de la normalisation dans ce domaine est essentiel pour que les solutions et les technologies de l’IoT puissent être adoptées à grande échelle.
L’atelier a conclu que les Normes internationales ont une grande importance pour établir un marché mondial pour des dispositifs et systèmes IoT sûrs, économes en énergie et interopérables. Les intervenants ont tous reconnu qu’il est indispensable d’élargir la collaboration entre les trois organisations internationales pour accélérer le déploiement de l’IoT.
En définitive, il est probable qu’un seul effort de collaboration ne suffira pas pour stabiliser la situation dans ce domaine. Sans aucun doute, il va falloir déployer beaucoup d’efforts pour que les normes soient compatibles. Dans la pratique, le travail qui nous attend ne cessera d’évoluer. Les experts laissent espérer que le terrain commencera à se déblayer vers 2017, alors restez à l’écoute.
Au-delà de la connectivité
Du fait de la rapidité des changements dans la technologie de l’IoT, même les plus expérimentés des experts ont de la peine à anticiper l’avenir de la normalisation dans le domaine. Ce qui est certain, en revanche, c’est que les possibilités seront illimitées.
Evanhoe, le futurologue qui cerne bien les tendances actuelles de la technologie, connaît déjà la suite : « La convergence est inévitable », dit-il. « L’IoT va au-delà des dispositifs connectés, c’est-à-dire des choses avec une adresse IP. Toutes les technologies d’identification automatique, y compris les RFID et les code à barres, facilitent l’IoT en aidant à identifier les « objets » dans l’IoT. Toutes ces connections s’articulent pour déployer tous les avantages de l’IoT. »
Que ce soit avec votre téléphone, une technologie vestimentaire ou des objets ménagers usuels, l’IoT nous connectera tous à un niveau qui nous échappe encore. Alors, si vous nʼentendez pas rester à la traîne, suivez le mouvement et sautez dans le train des normes IoT à venir. Accrochez-vous, vous ne le regretterez pas.