La biodiversité, un facteur décisif
Une biodiversité résiliente et un climat stable vont de pair, et les normes ISO peuvent en accroître les synergies.
La 27e Conférence des parties (COP27) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) se tient à Charm el-Cheikh, en Égypte, du 6 au 18 novembre 2022. L’ISO et ses membres rejoignent les rangs des acteurs du changement mondial pour mettre en valeur les Normes internationales et montrer comment elles aident à matérialiser les engagements climatiques. Notre couverture de la COP27 offre une vue d’ensemble et des informations plus complètes sur les travaux de l’ISO dans ce domaine, avec des articles de fond ou des documents d’analyse portant à la réflexion.
Plus de la moitié du PIB mondial dépend de la nature. Pourtant, notre biodiversité, dont l’importance économique et sociale est cruciale, est menacée de tous côtés, avec des conséquences dramatiques pour le commun des mortels. C’est pourquoi l’ISO travaille sur la biodiversité afin de promouvoir entre nos économies et nos écosystèmes une relation plus saine susceptible d’encourager la préservation de la biodiversité tout en créant des opportunités de développement durable.
Nous sommes tous interdépendants, et la biodiversité engendre la résilience. En effet, nous dépendons entièrement de la biodiversité pour notre nourriture ainsi que de nombreuses ressources et matières premières comme le bois, le coton, la laine, ou encore pour la qualité de l’air et de l’eau. En outre, nous ne sommes pas uniquement tributaires des ressources elles-mêmes, mais également des animaux et des plantes qui y contribuent via une multiplicité d’interactions.
Un million d’espèces animales et végétales sur les huit millions estimées dans le monde sont menacées d’extinction.
En surface, par exemple, un tiers des cultures mondiales dépend de pollinisateurs tels que les insectes et les oiseaux. Certains aliments essentiels, comme les amandes, les myrtilles et les cerises, n’existeraient pas sans eux. Sous la surface, de nombreux invertébrés entretiennent les sols et en préservent la santé, et les bactéries jouent un rôle crucial dans la libération de nutriments tels que l’azote, un composant fondamental de toutes les protéines.
Une biodiversité menacée
Malheureusement, la biodiversité est confrontée à des menaces inédites. Dans son Rapport 2022 sur les risques mondiaux, le Forum économique mondial considère les menaces pour la biodiversité comme l’un des trois principaux risques, au même titre que l’inaction climatique et les événements météorologiques extrêmes. De plus, ces trois risques sont interconnectés, avec des synergies qui peuvent être bénéfiques ou catastrophiques selon la manière dont ils sont gérés.
La question est donc la suivante : à quel point la biodiversité est-elle menacée ? Selon la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), un million d’espèces animales et végétales sur les huit millions estimées dans le monde sont menacées d’extinction, et les trois quarts de la surface de la planète ont été modifiés de façon significative par l’activité humaine.
Or, les habitats de ces espèces représentent des puits de carbone naturels dont la perte a pour effet d’aggraver les changements climatiques, lesquels, en retour, affectent ces habitats et les espèces qui en dépendent. Les Nations Unies signalent que dans un monde plus chaud de 1,5 °C, 4 % des mammifères perdraient la moitié de leur habitat.
Les avantages de la restauration
Si nous voulions traduire ces pertes en un seul chiffre, nous pourrions dire que nous utilisons l’équivalent de 1,6 planète pour maintenir notre mode de vie. Or, il est évident que les ressources naturelles et la nature ne peuvent pas suivre ce rythme. Selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement, nous devons restaurer les écosystèmes qui, tout à la fois, contribuent à la lutte contre les changements climatiques et à la préservation d’espèces en voie d’extinction.
Fort heureusement, nous constatons de plus en plus que les choses tendent à s’équilibrer en matière de biodiversité, les pertes étant compensées par les gains liés aux actions de restauration et aux solutions ancrées dans la nature, telles que la gestion durable des écosystèmes naturels et l’adaptation aux changements climatiques. Indubitablement, nous parlerons désormais de plus en plus de restauration, un phénomène qui s’impose comme une évidence selon les dernières données scientifiques.
En effet, des chercheurs d’Australie et du Brésil ont par exemple découvert que nous pouvions réduire les extinctions de 60 % en restaurant ne serait-ce que 15 % des écosystèmes dans des zones prioritaires, notamment en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud et en Amérique centrale. Qui plus est, une telle action permettrait d’éliminer un tiers du dioxyde de carbone produit par les activités humaines depuis la révolution industrielle. Et si nous étions encore plus ambitieux, restaurer 30 % des écosystèmes dans le monde permettrait d’empêcher la perte prévue de 70 % des espèces et d’absorber également la moitié du dioxyde de carbone déjà émis.
La solution par les normes
L’une des principales menaces systémiques pour la biodiversité est le remplacement des habitats naturels par l’agriculture, par exemple le remplacement de prairies et de forêts tropicales riches en espèces par des monocultures. D’autre part, lorsque de telles activités sont menées dans un objectif de durabilité et de préservation, des normes sectorielles comme celles du Forestry Stewardship Council (FSC), qui a entre autres élaboré une norme et un dispositif de certification pour le bois durable, sont très bénéfiques.
Le temps est venu d’agir pour la biodiversité à l’aide des normes ISO.
Il existe aujourd’hui des dizaines de normes et de certifications de ce type, mais afin de servir efficacement leur objectif de durabilité et de préservation, elles doivent être exhaustives, évaluées et appliquées strictement. Une autre étude menée par l’International Institute for Sustainable Development (IISD) a permis d’établir que les normes commerciales et industrielles pour une agriculture durable peuvent inclure des exigences significatives pour la préservation de la biodiversité, mais que la mise en œuvre de ces normes est conditionnée par les forces du marché et non exclusivement par la protection de la biodiversité.
Les chercheurs en ont conclu que les décideurs politiques ont un rôle clé à jouer pour parvenir à une application plus efficace des normes volontaires, et les options politiques recommandées incluent une mise en œuvre axée sur la biodiversité ainsi qu’un cadre politique assurant une mise en œuvre crédible. En d’autres termes, il s’agit de recourir aux outils fondamentaux de la normalisation ISO. Cela se comprend d’autant mieux qu’il est en effet difficile pour les législateurs et les décideurs politiques de rendre obligatoires ou même d’avaliser les normes sectorielles, alors que les normes ISO sont souvent présentes à la fois dans les politiques et la législation.
Cela signifie également que le temps est venu d’agir pour la biodiversité à l’aide des normes ISO.
Des actions inédites en faveur de la biodiversité
L’ISO élabore des lignes directrices sur des aspects spécifiques liés à la biodiversité tels que l’ingénierie écologique, les solutions fondées sur la nature et les technologies pertinentes. Sous la houlette du comité technique ISO/TC 331, ces travaux ont pour objectif d’assurer la préservation à long terme de la biodiversité à l’aide d’une combinaison d’exigences, de principes et d’outils, et ce dans une approche globale, unificatrice et holistique.
Le groupe d’experts chargé de ces travaux souligne que l’harmonisation des pratiques sera également d’une grande utilité pour fournir des données fiables et comparables entre les pays et les projets. Partout dans le monde, les organisations ont besoin de s’accorder sur ce qu’est la biodiversité et de définir ensemble un cadre d’action. En outre, des méthodes et outils sont nécessaires pour évaluer les effets et suivre la progression des actions menées, et des exemples concrets à suivre s’avéreront d’une aide précieuse.
Les Normes internationales élaborées pour la biodiversité s’articuleront autour de quatre thèmes : un langage commun ; les mesures, les données, la surveillance et l’évaluation ; la restauration, la conservation et la protection ; enfin, les organisations, les stratégies et l’utilisation responsable des ressources naturelles. Dans le même temps, il est impératif que ces objectifs de biodiversité trouvent des synergies et évitent tout conflit avec l’Accord de Paris sur le climat et les Objectifs de développement durable des Nations Unies (ODD), qui n’existaient pas encore il y a dix ans. En privilégiant une approche ciblée, les experts de l’ISO ont ainsi établi une feuille de route pour les normes sur la biodiversité qui apportera un soutien direct aux ODD et à la Convention sur la diversité biologique.
Sans conteste, le chemin vers la préservation sera long et ardu. Toutefois, cela semble inévitable car la vie sur Terre est aussi complexe que belle, et implique de nombreux systèmes globaux qui influencent sa biodiversité. Notre avenir dépend donc de notre capacité à protéger la planète. Nous sommes parvenus à un point de bascule, où nous sommes désormais pleinement conscients des menaces qui pèsent sur la nature. Le temps de l’action est venu pour l’humanité, et la biodiversité dans le monde ne peut que bénéficier de ce sursaut.