La réussite passe par le personnel

Ce n’est pas tout d’engager du personnel, encore faut-il le garder motivé, productif et heureux. Pour mieux gérer votre main-d’œuvre, les solutions se trouvent dans les normes ISO.

Lu en quelques minutes
Par Kath Lockett
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On a souvent l’impression que le recrutement est une loterie. On convoque les candidats pour les interviewer, on effectue une première sélection et on retient finalement la personne qui paraît la meilleure pour le poste. C’est du moins ce que l’on croit. Or, bon nombre des meilleurs employés commencent à se démobiliser dès qu’ils sentent que leurs compétences et leurs talents sont sous-utilisés. Pour redonner à vos meilleurs éléments une dynamique et une motivation, l’accompagnement de carrière et la formation sont la clé.

Mixed-age, multi-ethnic group of colleagues having a work discussion.

On le sait, les employés très impliqués dans leur travail sont plus susceptibles de contribuer à la réussite de leur employeur. Selon le fournisseur de formation en ligne eduCBA, les organisations qui réussissent à notre époque valorisent les compétences de leur personnel à hauteur de 85 % de leurs actifs totaux. Les salariés peuvent être qualifiés d’« actifs immatériels » car ils ne sont pas aussi faciles à comptabiliser en termes financiers que les usines, les machines ou les produits, mais ce sont eux qui, s’ils se sentent respectés et soutenus, resteront plus longtemps à leur poste et travailleront activement à contribuer à l’amélioration des systèmes et des résultats de l’organisation.

Deux normes ISO ayant trait à la gestion des personnes ont fait l’objet d’une mise à jour afin d’y ajouter des informations utiles sur la façon d’accroître, de renforcer et de conforter la valeur des employés. Le contenu de ces documents, mais aussi leurs titres ont été révisés. ISO 10015 s’intitule maintenant Management de la qualité – Lignes directrices pour la gestion des compétences et le développement des personnes, et ISO 10018, Management de la qualité – Lignes directrices pour l’implication du personnel. Conçues pour être régulièrement consultées, ces deux Normes internationales présentent des étapes pratiques que les dirigeants et les cadres peuvent suivre, adopter et mesurer. Le but n’est pas de remettre simplement ces documents aux employés dans des classeurs qu’ils laisseront moisir sur une étagère.

Convergence des experts

Three workers pore over a construction works plan at a building site.

Établies par l’ISO/TC 176 (management et assurance de la qualité), au sein de son sous-comité SC 3 (techniques de soutien), en collaboration avec l’ISO/TC 260 (management des ressources humaines), les deux normes sont fondées sur les concepts orientés processus d’ISO 9001 relative au management qualité. Selon John J. Guzik, qui participe au groupe consultatif technique (TAG) des États-Unis auprès de l’ISO/TC 176, elles s’appuient largement sur les définitions d’ISO 9000:2015, Systèmes de management de la qualité – Principes essentiels et vocabulaire, mais en rendant ces informations plus accessibles.

« Lorsqu’ils concernent des personnes, les systèmes de management de la qualité (SMQ) sont souvent considérés comme des lignes directrices techniques ou inaccessibles auxquelles il faut se conformer, mais qui n’ont guère de rapport avec le travail à effectuer ou les produits à fabriquer. » Au cours de sa carrière, M. Guzik a été responsable qualité dans deux grandes entreprises américaines d’emballage. « J’ai gravi les échelons en partant du bas de l’échelle, alors je sais à quel point il importe que les systèmes de management qualité soient accessibles et compréhensibles. Ils ne doivent pas représenter une charge pour les employés. »

ISO 10015 fournit des lignes directrices pour aider les organisations et leurs responsables à mettre au point une formation appropriée et opportune pour leur personnel. Avec le souci constant d’amélioration continue et l’évolution rapide des marchés, des technologies et des besoins des clients, les organisations doivent régulièrement évaluer les aptitudes et les compétences dont le personnel a besoin pour rester performant et compétitif.

Mark Eydman, membre de l’ISO/TC 176, reconnaît lui aussi que cette norme convient bien à la plupart des organisations. « ISO 10015 indique comment renforcer les compétences et développer les personnes pour intégrer la démarche du management de la qualité. Elle traite des exigences au niveau de l’organisation, de l’équipe et de l’individu. Elle suit le cycle « Planifier-Réaliser-Vérifier-Agir » et va parfaitement de pair avec ISO 10018. »

Changement de donne

Alors que de plus en plus d’investisseurs exigent que les entreprises publiques investissent dans le capital humain et l’implication, la norme ISO 10018 promet de bouleverser le marché des solutions classiques d’implication du personnel. La démarche consiste à établir un cadre accepté mettant l’accent sur une meilleure intégration des stratégies d’implication au sein d’une organisation.

Sachant qu’il peut être difficile d’encourager le personnel à adopter des systèmes de management de la qualité et à en comprendre l’utilité pour leur travail quotidien, ISO 10018 fournit des lignes directrices sur la manière de renforcer l’implication et la compétence des personnes au sein d’une organisation et de leur donner le sentiment d’en être un élément important.

Ron McKinley, ancien Président de l’ISO/TC 260 sur le management des ressources humaines, qui a travaillé principalement sur ISO 10018, indique lui aussi que la norme va de pair avec ISO 10015, mais que l’accent y est davantage placé sur le personnel. « Les organisations ne sont rien d’autre qu’un regroupement de personnes. Sans les personnes qui conçoivent le produit, le fabriquent et l’utilisent, il n’y a pas d’organisation. »

Un personnel impliqué et heureux

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On parle d’« implication du personnel » depuis une vingtaine d’années. C’est un terme à la mode que l’on entend souvent, pourtant beaucoup d’organisations et de dirigeants ne savent pas exactement ce qu’il recouvre. La norme ISO 10018 explique clairement le rapport avec les employés d’une organisation et indique comment mieux les impliquer et accroître leur compétence au sein de l’organisation. « L’implication d’un employé va bien au-delà de sa simple présence au travail, elle renvoie à sa contribution active, à la conscience de la valeur qui lui est reconnue, et aux résultats apportés à l’organisation en termes de qualité », précise M. Eydman.

M. McKinley va plus loin en observant qu’autrefois, dans les organisations, l’« implication du personnel » était une façon d’établir si les employés étaient « heureux » au travail. Il y a 20 ans, la logique était que les personnels heureux travaillaient plus dur et produisaient de meilleurs produits, ce qui rendait les clients plus heureux. On effectuait souvent des sondages et on établissait des plans d’action, mais faute d’approche stratégique et systématique, ces plans n’encourageaient pas nécessairement le personnel à rester dans l’organisation.

« ISO 10018 s’applique à tout le monde, pas seulement aux employés. C’est une approche qui concerne l’entreprise ou l’organisation dans son ensemble, y compris les fournisseurs, les investisseurs et les clients. On entend par « implication du personnel » le fait que toutes les personnes qui participent activement à l’organisation le font de façon positive. Le terme de « personnel » désigne tous ceux qui participent à cette organisation : les fournisseurs, les clients, les propriétaires, les investisseurs, les salariés.

Pour les employés, l’implication suppose un certain niveau de prise en charge des questions pertinentes pour leur travail au sein de l’organisation. « S’ils sont en contact avec les fournisseurs, ils devraient avoir leur mot à dire dans l’évaluation des fournisseurs actuels ou dans la sélection des nouveaux fournisseurs. Le personnel en question aura ainsi un intérêt direct dans l’organisation et sera autorisé à exercer un certain contrôle sans être soumis à autant de micro-management. »

Les organisations impliquées auront en place des formules bien conçues pour le développement de leur personnel. L’objectif est d’engager des collaborateurs qui cherchent à faire carrière dans l’organisation, plutôt que des personnes à la recherche d’un simple emploi. Les organisations qui réussissent offrent souvent à leur personnel la possibilité de bouger en interne dans différents secteurs pour acquérir de nouvelles compétences et améliorer leur expertise. « Même si les décisions en matière de promotion et de formation restent du ressort de la direction, le personnel doit pouvoir voir qu’une évolution de carrière est possible au sein de l’organisation et que son développement est encouragé et valorisé », déclare M. McKinley.

Évaluer le succès

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Plusieurs paramètres peuvent être utilisés pour mesurer le succès de l’implication du personnel. Dans la norme ISO 10018, le bilan ne concerne pas le profit ou la perte financière, mais le taux de départ volontaire du personnel. L’objectif de toutes les organisations est de faire baisser ce taux. Lorsque les collaborateurs partent, ils emportent avec eux leur savoir-faire. Le recrutement et la formation coûtent de l’argent aux organisations, et la perte de capital humain pose de sérieuses difficultés car il peut être difficile de remplacer les personnes ou de retrouver les mêmes compétences.

La satisfaction des clients est également importante. Parties prenantes activement liées aux organisations, les clients peuvent fournir des informations précieuses pour l’amélioration des services et des produits, gage de leur fidélité. Pour M. McKinley, les centres d’appels des entreprises sont un bon moyen de mesurer la satisfaction. Premier point de contact auquel s’adressent les clients ayant rencontré des problèmes avec un service ou un produit, ils offrent aux organisations la possibilité de collecter des données. « Dans ces centres, qui drainent les réclamations des clients mécontents, il s’agit de trouver une solution aux problèmes et de satisfaire le client avant qu’il ne raccroche. On peut offrir des primes au personnel des centres d’appels en fonction du niveau de satisfaction des clients et non en fonction du volume des appels reçus, il se sentira ainsi valorisé pour la qualité de sa prestation et pour ses compétences. »

Comme le souligne M. Guzik, plutôt que de viser des collaborateurs spécifiques, l’amélioration des compétences et le perfectionnement du personnel devraient être un souci collectif de l’organisation. Le personnel doit voir comment son travail actuel peut évoluer grâce à la formation et comprendre les possibilités qui s’ouvrent ainsi au sein de l’organisation. « S’ils voient que leur organisation investit dans leur savoir-faire en leur proposant des formations et d’autres évolutions de carrière, les employés se sentiront impliqués. »

L’enseignement à tirer

Maintenant que les enjeux sont clairs, de quoi les dirigeants et les chefs d’entreprise suroccupés ont-ils besoin ? De mesures pratiques, de solutions et d’éléments de progression réalisables. La norme ISO 10018 a été rédigée pour des dirigeants et des chefs d’entreprises conscients de l’importance de retenir et d’impliquer leur personnel, mais qui ne savent pas nécessairement par où commencer. M. Eydman explique : « Nous avons défini six domaines clés qui sont déterminants à nos yeux. Si les dirigeants y accordent de l’attention, ils verront progresser le niveau d’implication de leur personnel au sein de leur organisation. Les trois premiers domaines – stratégie, culture et leadership – sont peut-être les éléments les plus décisifs. »

ISO 10018 souligne que le management de la qualité ne peut porter ses fruits que dans un contexte où le leadership est bien réel et procède par l’exemple plutôt qu’en donnant des ordres. La stratégie est un processus de planification simple pour concrétiser votre vision. ISO 10018 montre que si vous voulez que votre personnel entreprenne avec vous la démarche qualité, il doit comprendre la voie à suivre et l’objectif visé.

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« Le domaine qui concerne la culture est très intéressant, observe M. Eydman, car il définit les règles, les croyances et les comportements propres à une organisation. C’est essentiellement ce qui se passe lorsque les dirigeants et les managers n’exercent pas de contrôle. Cette culture va de pair avec le leadership, quand les responsables donnent l’exemple. » Par conséquent, les trois autres domaines clés – formation et développement, connaissance et sensibilisation, et amélioration – visent à montrer au personnel qu’il est valorisé et en phase avec l’organisation.

L’atout des normes

En définitive, les normes ISO 10015 et ISO 10018 sont utiles pour n’importe quelle organisation employant plus de deux personnes. Des petites entreprises locales aux grands conglomérats d’entreprises, la dynamique est la même, explique M. McKinley. « Dans les domaines d’action internes figure aussi le fait de s’assurer que la direction tient tout le personnel informé des questions qui le concernent, que la filière d’informations s’opère dans tous les sens à tous les niveaux du personnel, que la liaison avec les clients est efficace et que la relation avec les fournisseurs est bonne. C’est grâce à la convergence de tous ces aspects que les clients reçoivent le produit ou le service de qualité pour lequel ils paient. »

Il y a un bonus supplémentaire. Les principes du SMQ sont applicables à d’autres systèmes de management. « Ces lignes directrices, initialement rédigées pour les systèmes de management de la qualité, peuvent être appliquées à d’autres systèmes de management, notamment le management environnemental et le management de la santé et de la sécurité au travail », ajoute M. Guzik.

Et si tous ces bons points ne suffisent pas, il y a aussi l’économie de coûts, relève M. McKinley. « La norme ISO a un ultime attrait : faute de moyens pour engager une grande société de conseil pour faire le travail, les petites entreprises peuvent tout simplement acheter la norme, en appliquer les stratégies et y trouver de l’aide. »

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Elizabeth Gasiorowski-Denis
Rédactrice en chef d'ISOfocus