Préparer le repas familial peut être synonyme de danger pour les plus pauvres dans les pays en développement. En effet, selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) paru en 2015, l’exposition à la fumée par le simple fait de cuisiner est le quatrième principal facteur de risque de maladie dans les pays en développement, et provoque chaque année plus de quatre millions de décès prématurés – devant la malaria ou la tuberculose. En outre, des dizaines de millions de personnes souffrent de maladies qui pourraient être aisément évitées par l’adoption de combustibles et de fourneaux propres et efficaces. Par ailleurs, les émissions liées à l’utilisation de la biomasse pour cuire contribuent de façon significative au changement climatique.
La solution réside-t-elle dans les normes ? Ranyee Chiang, Directrice, Normes, technologies et combustibles, Global Alliance for Clean Cookstoves (Alliance mondiale pour des cuisinières propres), et Présidente du comité technique ISO/TC 285, Fourneaux et foyers de cuisson propres, considère que les normes peuvent contribuer à fournir des définitions et des objectifs rigoureux en matière d’émissions (pertinentes du point de vue du climat et de la santé), d’efficacité, de sécurité, de durabilité et de qualité.
Une première étape décisive
La Global Alliance for Clean Cookstoves, un partenariat public-privé sous l’égide de la Fondation des Nations Unies et comptant plus de 1 300 partenaires, a été lancée en 2010 en vue de coordonner une approche internationale visant à mettre en place un marché solide pour les fourneaux propres. La mise en place du partenariat entre la Global Alliance et l’ISO est apparue comme une importante plateforme pour élaborer et appliquer des normes de nature à garantir la mise à disposition, sur le marché, des meilleurs fourneaux et combustibles possibles.
En février 2012, plus de 90 parties prenantes de 23 pays se sont rencontrées à La Haye, aux Pays-Bas, dans le cadre d’une réunion de l’ISO qui a permis de dégager le soutien unanime des participants en vue de l’élaboration d’un Accord international d’atelier (IWA 11:2012), qui définit différents niveaux pour trois types de performances en termes d’efficacité, d’émissions et de sécurité. L’atelier a été organisé par la Global Alliance et le Partnership for Clean Indoor Air (PCIA), dont le secrétariat est assuré par l’ANSI.
Pour réviser les lignes directrices IWA initiales et les établir en tant que Norme internationale, l’ISO a créé l’ISO/TC 285 en 2013. Le secrétariat du comité est conjointement assuré par le KEBS – Kenya Bureau of Standards (Kenya) –, et l’ANSI – American National Standards Institute (États-Unis).
Pour Joe Bhatia, Président-Directeur général de l’ANSI, « il n’y a pas d’enjeu plus fondamental que la santé et la sécurité de millions de personnes à travers le monde. Nous sommes fiers de jouer un rôle de premier plan dans les initiatives visant à garantir la sécurité des fourneaux de cuisine, et nous nous réjouissons de l’impact considérable que ce partenariat mondial pourra avoir ».
L’ISO/TC 285 offre aux gouvernements, à l’industrie et aux organismes dans le monde entier la possibilité de s’impliquer dans le processus de conception, de mise en œuvre et de mise à jour des normes portant sur ce sujet essentiel. Outre les émissions et les performances des fourneaux en termes d’efficacité, le comité examine les aspects suivants :
- Harmonisation des méthodologies, des indicateurs et des rapports – Pour faciliter la collaboration et les échanges internationaux
- Habitudes culinaires locales – Pour aligner les essais en laboratoire sur les habitudes culturelles et pratiques des utilisateurs et les combustibles disponibles
- Sécurité – Ces fourneaux et foyers peuvent-ils être utilisés en toute sécurité à proximité des enfants et de la famille dans son ensemble ?
- Durabilité – Nécessités en termes de durabilité et facilité d’entretien des fourneaux
- Méthodes d’essai sur site – Lignes directrices pour les essais de performances en situation réelle des fourneaux et des combustibles
- Impacts sociaux – Lignes directrices pour l’évaluation des impacts sociaux, notamment en termes de gain de temps, d’égalité des sexes, de revenu
Actuellement, l’ISO/TC 285 compte quatre groupes de travail pour l’élaboration de normes et autres documents essentiels dans des domaines associés aux fourneaux et aux combustibles: WG 1, Cadre conceptuel; WG 2, Méthodes d'essai en laboratoire; WG 3, Méthodes d’essai sur site, and WG 4, Impacts sociaux. Les normes en cours d’élaboration serviront à étayer les réglementations gouvernementales, les décisions des donateurs et des investisseurs, et inciteront les fabricants à perfectionner leurs technologies.
Impliquer les pays en développement
Fin 2015, le comité comprenait 25 pays participants, 15 pays observateurs et huit organisations internationales externes en liaison, dont l’OMS. Une participation accrue – notamment des pays en développement – est une des priorités de Ranyee Chiang, de la Global Alliance, qui estime que leurs contributions sont essentielles pour l’adoption de normes capables de renforcer le marché naissant des fourneaux et des combustibles.
« Il existe une multitude d’aliments et de façons de cuisiner », explique Ranyee Chiang. « Les normes doivent porter sur les performances, mais nous devons nous assurer que les technologies retenues sont adaptées à un contexte culturel donné et aux ressources disponibles. » Dans la plupart des habitations rurales, la cuisine se fait au moyen d’un foyer ouvert alimenté avec des produits de base tels que le bois, les excréments d’origine animale séchés ou les résidus agricoles, à savoir des combustibles issus de la « biomasse ».
Au Honduras, Victoria Cortés, Professeur associée au Centre régional des essais et des savoirs (RTKC), Université Zamorano, à Tegucigalpa, qui entend renforcer les programmes nationaux de sensibilisation et l’adoption de technologies associées aux fourneaux propres, estime qu’il est essentiel de participer aux travaux de l’ISO/TC 285.
« En participant aux travaux de l’ISO/TC 285, le RTKC peut contribuer à la création de normes axées sur les techniques utilisées dans la région, par exemple des dispositifs de cuisson de type plancha (plaques) » explique Victoria Cortés. « Nous participons aux travaux sur les normes ISO pour aider à établir des lignes directrices pour la comparaison et l’évaluation des modèles de fourneaux, pour encourager les innovations positives d’un point de vue sanitaire, environnemental ou technique. »
Pour le RTKC de Zamorano, les normes de l’ISO/TC 285 permettront au Centre de fournir des évaluations de haute qualité et de contribuer à la diffusion de modèles efficaces et optimaux sur les marchés nationaux et régionaux, en se fondant sur des performances fiables et mises à l’essai.
Une lueur d’espoir
Si les défis à relever peuvent sembler décourageants, il y a de bonnes raisons d’espérer que la prochaine décennie sera synonyme de transition pour le secteur des fourneaux et des combustibles au niveau mondial. Un plus large accès à des solutions plus propres et efficaces pour cuisiner est désormais à portée de main grâce aux travaux menés par l’ISO/TC 285.
Le prochain défi sera de favoriser une industrie des fourneaux et des combustibles mondiale à même d’innover constamment afin d’améliorer la conception et les performances des produits, tout en les rendant plus abordables et en améliorant l’accès aux meilleures technologies possibles.
Il reste encore beaucoup à faire. L’ISO/TC 285 doit pouvoir compter sur la collaboration active d’un plus grand nombre de pays pour l’élaboration de normes et la mise en œuvre de politiques visant à diminuer la dépendance aux combustibles solides et aux fourneaux inefficaces et polluants dont le coût humain est considérable.
Nous saluons l’objectif ambitieux de la Global Alliance qui vise l’adoption de fourneaux et de combustibles propres et/ou efficaces par 100 millions de ménages d’ici 2020, et la détermination de l’ISO/TC 285 à fournir des solutions qui inspireront confiance aux parties prenantes. Reste à espérer que les efforts qui seront mis en oeuvre dans les cinq prochaines années permettront à la moitié de l’humanité de cuisiner en toute sécurité.