Le premier robot cyborg

Et si les cyborgs existaient ? Moitié robot, moitié humain, fonctionnant comme un être de chair, voici une machine qui n'est plus de la science-fiction : elle s'appelle HAL.

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Me croirez-vous si je vous dis qu’en équipant une personne paralysée d’un auxiliaire complet robotisé, il sera possible de la faire marcher ? Et que diriez-vous d’endosser vous-même cet appareil pour acquérir une force herculéenne et la mettre au service de vos semblables ? C’est pourtant la réalité !

L’entreprise de robotique japonaise Cyberdyne a créé HAL (Hybride Assistive Limb), un exosquelette, c’est-à-dire un support anatomique externe robotisé conçu pour l’être humain. HAL, ce dispositif de soutien hybride des membres, peut détecter et reproduire l’intention de se déplacer de son utilisateur en lisant des signaux envoyés par le cerveau. Comme l’explique le professeur Yoshiyuki Sankai, fondateur et Directeur de la société Cyberdyne : « HAL est unique car la technologie mise en œuvre est parfaitement inédite. Notre objectif était de traiter, d’améliorer, de soutenir et de renforcer les fonctions physiques humaines ». C’est effectivement la vocation de HAL.


Plus qu’un uniforme biomécanique

Loin d’être une simple combinaison robotisée, HAL est doté d’un système interactif d’articulations motorisées commandées par une technologie novatrice interactive dite de biofeedback (c’est-à-dire de rétrocontrôle des fonctions organiques grâce à l’utilisation d’appareils numériques) qui permet non seulement de lire les signaux bio-électriques émis par l’utilisateur, mais aussi de tenir compte de son intention de se mouvoir. Ces méthodes de biofeedback favorisent l’amélioration fonctionnelle, l’acquisition et la régénération du cerveau chez les patients souffrant de troubles nerveux et musculaires, dont le nombre ne cesse d’augmenter dans nos sociétés vieillissantes.

HAL est l’aboutissement de très longues recherches entamées par le Professeur Sankai en 1991. Mais son potentiel de transformer radicalement et d’améliorer la qualité de vie de millions de personnes valait bien tous ces efforts.


Assistance personnelle

HAL s’inscrit dans une série d’avancées de la robotique axées sur la création de dispositifs pour nous aider à accomplir un grand nombre de nos activités quotidiennes. Avec ses « robots de soins personnels », cette industrie en plein essor répond à différentes évolutions – augmentation du nombre des aînés auxquels il faut prêter main forte, recul du taux de natalité et ses conséquences sur la main-d’œuvre disponible, et modes de vie modernes laissant peu de temps à consacrer aux tâches quotidiennes. Que ce robot ait été mis au point par une entreprise japonaise n’a rien de surprenant, le Japon est en effet le berceau de la robotique moderne. On peut néanmoins se demander si cette technologie innovante sera facilement adoptée par les personnes âgées. M. Sankai le pense. « Si l’appareil est vraiment utile et suffisamment ergonomique pour tenir compte de certains facteurs d’ordre psychologique, il sera bien accueilli. »

Mais les applications de l’appareil ne s’arrêtent pas là. HAL est non seulement conçu pour aider les personnes âgées, à mobilité réduite ou handicapées, il sera également une assistance utile pour certaines professions en leur permettant de bénéficier de capacités physiques décuplées. Pensez aux infirmières qui doivent régulièrement soulever des malades, ou aux secouristes amenés à intervenir dans des zones sinistrées pour dégager des blessés sans l’aide de machines appropriées. À ce stade, les possibilités de ce type de robot semblent infinies.


Un appareillage inédit

HAL est le premier robot de ce type en termes d’intégration entre l’homme et la machine. Peut-on cependant lui faire confiance les yeux fermés ? « Les risques ont été largement étudiés et pris en compte dans le processus de développement », explique M. Sankai. À l’heure actuelle, la principale difficulté est de trouver un actionneur (le moteur de contrôle du système) suffisamment léger et compact qui réagisse aussi vite et avec la même force qu’une articulation humaine. La rapidité de réaction du dispositif ne dépassera pas celle de l’articulation humaine pour limiter les risques de choc et de collision au niveau le plus bas.

Se pose alors la question suivante : qui est chargé de vérifier que ces dispositifs ne présentent aucun danger ? Comme il n’existe aucun autre appareil de ce type dans le monde, il n’y a pas de législation pour protéger les utilisateurs. Des Normes internationales sont donc indispensables pour étayer la confiance envers ces appareils. Je demande à M. Sankai si c’est pour cette raison que Cyberdyne a fait œuvre de précurseur en adoptant, avant même sa publication en 2014, la première norme sur les exigences de sécurité des robots de soins personnels, ISO 13482.

« Nous utilisons la norme, explique M. Sankai, mais nous avons aussi et surtout participé activement à son développement car nous estimons que c’est la vocation de notre entreprise que de contribuer à la société en participant à l’élaboration de Normes internationales, pour aider à mettre en place une infrastructure solide et fiable pour cette nouvelle industrie. »

Soulignant l’importance de la collaboration internationale et de la recherche universitaire, le professeur Sankai note que Cyberdyne se considère comme un chef de file qui montre l’exemple. « L’adoption précoce d’ISO 13482 nous a permis de mieux comprendre les procédures de mise en œuvre, de bien voir les éventuelles difficultés et de mesurer tous les avantages qui en résultent. Nous sommes convaincus que notre expérience aidera d’autres entreprises à appliquer ISO 13482. »

Cyberdyne participe également aux travaux du comité technique de l’ISO qui s’occupe des robots médicaux. L’objectif est clair : « ISO 13485 est la norme mondiale applicable aux systèmes de management de la qualité des dispositifs médicaux. Nos produits ont été développés en suivant la démarche ISO 13485, avant même d’adopter ISO 13482, pour pouvoir nous positionner sur le marché des dispositifs médicaux et sur celui des auxiliaires de soins personnels. »


Deux normes complémentaires

Pour distribuer HAL sur le marché des dispositifs médicaux, Cyberdyne a jugé ISO 13485 indispensable. « En parallèle, il était important de se conformer à ISO 13482 pour développer des robots de soins personnels pour un usage non-médical et en assurer la sécurité, car ce sont les produits phares de l’assistance robotisée de la prochaine génération » relève M. Sankai. « À terme, pour des produits comme les nôtres, qui sont utilisables en milieux hospitaliers et à domicile, nous pensons que les spécifications applicables seront intégrées. C’est pourquoi il est essentiel que nous nous conformions aux deux normes. »

L’industrie du robot de soins personnels est un secteur prometteur dont l’apport bénéfique pour la société est potentiellement énorme.

Pour le PDG, le meilleur atout d’ISO 13482 est certainement d’ouvrir des débouchés pour une nouvelle génération de robots. Jusqu’à présent, les règlements de sécurité applicables aux dispositifs robotisés étaient calqués sur ceux du secteur médical. Or ces exigences élevées ne sont pas nécessairement toujours appropriées pour cette technologie. Cyberdyne y a trouvé son compte, mais pour d’autres entreprises, ces exigences strictes ont bloqué les perspectives d’avenir.

Les niveaux de sécurité applicables aux robots de soins personnels ne sont toujours pas définitivement établis car cette technologie est toute récente. Pour ce marché naissant, la norme constitue cependant, aux yeux du professeur Sankai, un socle sur lequel l’innovation peut se développer et s’épanouir, tout en cadrant les avancées technologiques pour assurer la protection des utilisateurs. Ainsi, la norme place sur un pied d’égalité les nouvelles entreprises qui souhaitent se lancer dans cette industrie émergente. 

« ISO 13482 n’est pas difficile à appliquer et elle devrait permettre d’obtenir la certification à de nombreuses entreprises qui démarrent dans le domaine des robots de soins personnels », explique le Dr Sankai.

Les normes peuvent effectivement servir de tremplin à l’innovation, cette norme l’illustre bien. Mais la barre doit être établie au bon niveau. Nous devons avancer prudemment pour ne pas établir des normes inadéquates et, pour ne pas avoir à revenir sur nos choix technologiques, nous devons rester en phase avec leur évolution.


Des robots sous contrôle

Dr. Yoshiyuki Sankai, fondateur et Directeur de la société CYBERDYNE

L’industrie du robot de soins personnels est un secteur prometteur dont l’apport est potentiellement énorme pour la société. Il m’est pourtant difficile de ne pas penser à ces histoires de science-fiction où les robots finissent par prendre le contrôle du monde et de nos vies. Serait-ce une préfiguration de l’avenir ? M. Sankai me rassure aussitôt, « les machines à laver, les radios, les téléphones portables et les ordinateurs ont aussi beaucoup de fonctions autonomes, et ils n’ont pourtant rien d’effrayant ! »

« À ce compte-là, on peut avoir peur de beaucoup d’autres choses que des robots. J’ai d’ailleurs été dans mon enfance terrorisé par un ours en peluche qui avait l’air méchant. »

Pour enfoncer le clou, le professeur se fait plus sérieux : « À l’heure actuelle, et dans un avenir proche, il ne sera pas possible de mettre au point des robots dont la puissance meurtrière dépassera celle des mitrailleuses, des gaz toxiques, des missiles ou des armes nucléaires et biologiques. En fait, le danger ne vient pas des robots en tant que tels, mais des armes robotisées. »

Le professeur Sankai, qui est aussi chercheur à l’université de Tsukuba, m’explique que Cyberdyne participe activement à un nouveau champ de recherche intitulé Cybernics, un nouveau domaine interdisciplinaire centré sur la cybernétique, la mécatronique et l’informatique.

Dans cette discipline, nous pensons qu’à côté de la technologie et de la science, les sciences sociales comme la philosophie, l’éthique et le droit devraient occuper une place centrale et qu’il appartient aux scientifiques, aux chercheurs et aux ingénieurs de prendre leurs responsabilités en adoptant cette démarche. »

HAL est unique car la technologie mise en œuvre est parfaitement inédite.

Les robots sont-ils plus puissants que les humains ? « Dans la vie de tous les jours, les robots et les personnes seront complémentaires. La question ne se pose pas en ces termes, explique le professeur Sankai. « Les machines sont là pour compenser certaines de nos faiblesses et vice versa. La technologie devrait être au service de l’humanité. »

Pour ceux qui, comme nous, sont impliqués dans des nouvelles technologies telles que les robots de soins personnels, il est important d’avoir une vision à long terme sur l’impact et les conséquences que pourront avoir ces technologies sur l’avenir de la société. Chez Cyberdyne, notre philosophie est de développer des technologies qui permettent aux gens de s’entraider. C’est ce que nous appelons le « techno soutien mutuel ».

Peut-on définir HAL comme le premier cyborg ? « Non, répond clairement M. Sankai, HAL est le premier robot de type cyborg au monde. »


Maria Lazarte
Maria Lazarte

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